3 questions à…

Marie-France Corio-Costet
Biochimiste, docteur en biologie moléculaire
et directeur de recherche à l’INRA

mariefrance

Les maladies fongiques sont-elles devenus difficiles à gérer ?

La véritable difficulté c’est la résistance. Auparavant, de nouveaux fongicides arrivaient sur le marché. En les associant, nous parvenions à gérer les problèmes de résistance.

À l’heure actuelle, certains champignons pathogènes comme le Botrytis cinerea[1] ont développé de la résistance à tous les pesticides. Si nous prenons l’exemple de la vigne, la résistance de l’oïdium[2] et du mildiou[3] aux fongicides a largement augmenté sur les deux dernières décennies. Aujourd’hui, certaines souches de mildiou sont résistantes à 4 modes d’actions fongicides différents. Concernant l’oïdium, il n’est pas difficile de trouver des sources résistances à 2 ou 3 molécules.

Nous parvenons encore à gérer le risque fongique. Mais cela devient de plus en plus difficile puisque le nombre de molécules diminue. Face à la diminution de leur nombre, la recherche fait émerger de nouveaux leviers pour protéger les cultures qui peuvent se combiner entre eux :

  • le biocontrôle fondé sur la gestion des équilibres des populations de bioagresseurs plutôt que sur leur éradication.
  • les variétés résistances. Pour la vigne, l’INRA a développé des cépages résistants aux mildiou et à l’oïdium. Avec ces cépages, on parvient à baisser drastiquement la consommation de fongicides.
  • Les stimulateurs de défenses des plantes.
  • Les outils d’aide à la décision permettent de mieux connaître l’importance du risque épidémique et donc d’adapter les traitements, leur qualité et les doses à employer.

Quel est l’impact des maladies fongiques sur les cultures ?

En moyenne, les attaques fongiques entraînent 20 % de pertes sur les cultures au niveau mondial. 17 % de pertes pour la pomme de terre et 21 à 22 % pour les productions de blé, de maïs et de soja. Les pertes frôlent même 30 % pour le riz.

Les maladies fongiques affectent la quantité mais aussi la qualité des cultures. Par exemple, si votre vigne est attaquée par Botrytis cinerea, le risque encouru est la casse oxydasique. Le vin est « cassé » et devient impropre à la consommation.

La cause du réchauffement climatique est avancée pour expliquer le développement des maladies fongiques. Il est vrai que pendant les périodes hivernales, nous avons moins de températures en dessous de zéro. Or, les températures négatives limitent la survie de certains organismes comme les champignons. Et s’il fait très chaud et très sec comme les derniers étés caniculaires que nous avons connus, le mildiou se développe davantage.

Rencontrez-vous des difficultés pour la recherche sur les maladies fongiques ?

Nous passons beaucoup de temps à chercher des contrats pour alimenter des recherches souvent fondamentales.

Pour tout ce qui touche aux biostimulants et aux stimulateurs de défenses des plantes le secteur privé soutient activement la recherche. Il a même aidé à mettre en place et à développer des méthodes complémentaires de lutte.

Mais dès l’instant où vous mentionnez le mot « pesticide », les fonds sont plus difficiles à trouver. Pourtant il faut qu’on comprendre que l’on aura dû mal à se passer de l’ensemble des pesticides. Les pesticides qui nous resteront – les moins toxiques et les plus efficaces – seront précieux. Si nous subissons une épidémie flamboyante de mildiou, le cuivre ou le biocontrôle ne permettra pas de l’endiguer.

Son parcours

Marie-France Corio-Costet, biochimiste, docteur en biologie moléculaire de l’université de L. Pasteur de Strasbourg (1986), HDR (2001), a travaillé sur des interactions plantes-insectes dans le laboratoire de P. Benveniste (aspect trophique, hormonal et inhibitions des stérols) en collaboration avec le prof. JH Hoffmann (prix Nobel de médecine en 2011). Lauréate de la fondation Carno Aeda et du 1er prix de la protection des plantes et de l’environnement (1987), elle a été recrutée à l’INRA en 1988, dans le département de Phytopharmacie et écotoxicologie, au laboratoire des herbicides de Dijon. En 1991,  elle a rejoint l’unité de service de recherche intégrée de la vigne (SRIV) de Bordeaux, au sein de laquelle elle a étudié la résistance aux fongicides (DMI) et les interactions plante-insecte (Botrytis-Eudémis) dans l’écosystème viticole. Directrice de recherche en 1997, elle dirige l’unité SRIV de 1994 à 1999, puis l’UMR Santé des plantes de 2000 à 2005 puis, responsable d’équipe jusqu’en 2008, elle s’intéresse aujourd’hui à l’adaptation des populations de bioagresseurs aux pressions biotiques et abiotiques (fongicides, stimulateurs de défense, variétés résistantes) dans le cadre de pratiques viticoles visant à limiter les intrants chimiques.  Impliquée dans l’enseignement universitaire sur les pesticides et les stimulateurs de défense, ex-trésorière et membre du conseil d’administration de la SFP depuis 2005 (société française de Phytopathologie), experte auprès de l’ANSES,  elle a été nommée par le ministère de l’agriculture, auprès de l’OIV (organisation internationale de la vigne et du vin),  en tant qu’expert français en 2007.

 

[1] Champignon, ubiquiste et très polyphage, signalé sur vigne dans la plupart des zones de production dans le monde. Il peut être à l’origine de dégâts considérables certaines années. (http://ephytia.inra.fr/fr/C/6089/Vigne-Moisissure-grise-Botrytis-cinerea)
[2] Champignon parasite (http://ephytia.inra.fr/fr/C/6091/Vigne-Oidium-Erysiphe-necator)
[3] Champignon présent dans la grande majorité des vignobles du monde, il est responsable de maladies aux épidémies potentiellement fulgurantes. Il sévit sur vigne en France depuis de très nombreuses années, son introduction dans notre pays remonterait à 1878 (http://ephytia.inra.fr/fr/C/6094/Vigne-Mildiou-Plasmopara-viticola)