Entretien avec Yann Nédélec, directeur d’ANVOL, l’Association Nationale interprofessionnelle de la VOLaille de chair


Yann Nédélec est directeur d’Anvol, l’Association Nationale interprofessionnelle de la Volaille de chair (dinde, pintade, canard à rôtir, caille…) qui regroupe l’ensemble des opérateurs liés à la volaille de chair, de l’accouvage jusqu’à la distribution en passant par l’élevage.


« Que ce soit en bio, en label rouge ou en standard, la priorité est le bien-être animal »



Oui à l’innovation. En quoi les pratiques des éleveurs se sont-elles considérablement améliorées ? Comment prennent-elles en compte le bien-être animal ?

Yann Nédélec. Les pratiques évoluent constamment mais je dirais que le cœur du métier d’éleveur est de prendre en compte le bien-être animal. Pour assurer leurs revenus, les éleveurs ont tout intérêt à avoir des animaux en bonne santé évoluant dans un environnement sain, car leur bien-être va conditionner la qualité du produit. Si on regarde la filière standard en poulet par exemple, on voit de plus en plus apparaitre des démarches volontaires ou privées qui mettent en place l’enrichissement du milieu. Tout est fait pour favoriser le bien-être animal : perchoirs, bottes de paille, jouets pour les animaux, accès à la lumière naturelle, diminution de la densité des élevages… La filière de la volaille de chair française est par ailleurs la championne d’Europe de l’élevage en plein air : 20% des volailles sont élevées en plein air, ce qui représente près d’un tiers des éleveurs. Que ce soit en bio, en label rouge, en standard, la priorité est le bien-être animal. A ce paramètre essentiel à l’élevage, s’ajoutent les nouvelles attentes des consommateurs, qui nous poussent à mettre en place de nouvelles pratiques plus vertueuses et plus respectueuses de l’environnement. Mais ces dernières diffèrent en fonction du segment d’élevage et restent secondaires par rapport à la question du bien-être animal.

Les consommateurs souhaitent une meilleure prise en compte du bien-être animal tout en payant le même prix voire moins. Comment faites-vous face à ces injonctions contradictoires ?

YN. Nous devons répondre à des attentes qui sont parfois déconnectées de la réalité économique. Il y a certes la question du bien-être animal mais l’autre enjeu majeur est de répondre au portefeuille des consommateurs. On entend beaucoup d’associations et de personnalités s’exprimer pour caricaturer certains modèles d’élevage. Les discours actuels nous poussent à aller vers des exploitations à taille réduite en plein air, or notre priorité aujourd’hui devrait être la souveraineté alimentaire. On constate sur le marché que la consommation de volaille standard augmente, notamment sur les produits transformés et élaborés, et que ce sont les viandes d’importation qui y répondent. Il y a quelque chose de paradoxal dans l’attitude des consommateurs, qui d’un côté veulent de la quantité et de la qualité, mais qui par ailleurs consomment sans s’inquiéter de l’origine des produits et qui ne peuvent assumer le coût des produits de qualité. Tout l’enjeu est donc de bien informer le consommateur, et c’est pour cela que j’insiste sur l’étiquetage obligatoire de l’origine y compris sur les produits élaborés et transformés. On ne peut pas demander aux français d’acheter français s’ils n’ont pas les moyens de savoir ce qu’ils mangent. Il faut aussi arrêter d’importer des produits qui ne respectent pas les mêmes règles que chez nous. Enfin, il faut surtout accompagner le développement de la volaille française en apportant non seulement un soutien financier mais aussi en facilitant le dialogue avec les consommateurs.

La filière de la volaille est sous tension, notamment à cause de l’influenza aviaire. Quelles sont les mesures mises en place pour lutter contre ce fléau ? Quelles sont les principaux enjeux de la vaccination ?

YN. La priorité est de respecter les mesures de biosécurité, qui sont l’équivalent des « gestes barrières » que nous avons vécu durant la période covid. Cela se traduit dans la filière par un sas sanitaire avec lavage de mains et changement de tenue entre chaque poulailler, le nettoyage et la désinfection de l’environnement des volailles, un sens de circulation à respecter, et surtout la vaccination. Nous sommes par exemple favorables à la vaccination des palmipèdes (canards), bien que celle-ci soit un outil complémentaire qui ne nous affranchit pas des mesures sanitaires à adopter. En effet la vaccination n’est pas une solution miracle, elle nous apporte même des difficultés dans certains cas en matière de commerce international. Si nous décidons de vacciner contre l’influenza aviaire, la France n’est plus reconnue comme un pays indemne de la grippe aviaire, ce qui dissuade nos pays clients d’acheter nos produits. Or il existe des circuits d’exportation importants, notamment au Moyen-Orient et en Europe. Il y a donc non seulement un enjeu sanitaire, mais aussi un véritable enjeu économique derrière la vaccination.