Entretien avec Jean-Baptiste Moreau, agriculteur en Creuse et ancien député de cette circonscription de 2017 à 2022.

Porte-parole de La République en Marche de 2019 à 2022, il est aujourd’hui consultant indépendant toujours très investi sur les questions agricoles et agroalimentaires.


Au quotidien, Jean Baptiste Moreau pratique l’agroécologie. En tant qu’agriculteur en Creuse et ancien député, il met en œuvre une vision novatrice de l’agriculture. Son engagement vise à créer une exploitation agricole durable pour les générations futures. Jean Baptiste Moreau représente une figure clé dans le paysage agricole français, combinant son expérience en tant qu’agriculteur et son rôle d’homme politique pour façonner l’agriculture de demain.


« L’agriculture conventionnelle et l’agroécologie : ne sont pas opposées et même indissociables. »



Oui à l’innovation. Quelle est votre définition de l’agroécologie ?


Jean-Baptiste Moreau.

Selon moi, pratiquer l’agroécologie correspond à revenir aux bases de l’agronomie. Il y a eu bien sûr quelques abus, notamment dans les années 70-80, avec une agriculture hyper productiviste qui se préoccupait peu d’environnement et visait surtout à augmenter la production agricole, mais depuis le début des années 2000, la prise de conscience environnementale est globale. Les pratiques agroécologiques sont nombreuses : ne pas considérer les sols comme des substrats morts mais comme du matériel vivant, accepter que le labour ne soit pas systématique et obligatoire, considérer l’élevage comme indispensable à une pratique agricole durable, arrêter de supprimer les haies… Ces bases de l’agronomie avaient été parfois mises entre parenthèse pour des enjeux de productivité. Selon moi l’agroécologie ce n’est pas la permaculture et cela ne se rapproche pas de la para-science ! Derrière le mot « agroécologie » on peut mettre tout et n’importe quoi. A ne surtout pas confondre avec l’agriculture biologique ! Cette dernière fait partie de l’agroécologie, mais n’en est pas la seule composante. On peut parfaitement faire de l’agroécologie en agriculture conventionnelle. Finalement l’agroécologie, n’est-ce-pas prendre conscience de son interaction avec la nature, tout en gardant à l’esprit que l’ensemble des productions sont toutes liées entres elle ? Céréaliers et éleveurs ont besoin les uns des autres. L’interconnexion est plus forte que ce qu’elle a pu être par le passé. L’agroécologie, c’est produire mieux, ce qui ne veut pas dire forcément produire moins.

Est-il possible d’utiliser des produits phytosanitaires tout en ayant des pratiques vertueuses ?


Jean-Baptiste Moreau.

Oui ! Bien évidemment. Nous sommes sortis de l’âge où les produits phytosanitaires étaient répandus n’importe comment. Les pratiques sont enregistrées, les phytos sont utilisés de façon raisonnée et raisonnable. Leur utilisation n’est en rien contradictoire avec une agriculture plus saine. Ces produits sont, en fait, des médicaments pour les plantes. Laisser des plantes malades n’améliorerait pas la qualité des produits finaux. Cela dit, il faut bien évidemment tout faire pour en limiter l’utilisation et toutes les technologies sont bonnes à prendre en la matière : nouvelles biotechnologies végétales, techniques de sélection de semences pour obtenir des plantes plus résistantes aux maladies… Je reste persuadé que la science va de pair avec un meilleur respect de l’environnement. Et pas contre !

S’il y avait une mesure phare à prendre pour dynamiser l’agriculture qu’elle serait-elle ?


Jean-Baptiste Moreau.

Tout une chaine de mesures seraient nécessaires pour redonner de l’attrait aux professions agricoles ! Je suis très inquiet sur l’avenir de l’élevage. Pas tant par rapport aux campagnes anti-élevage des animalistes que par le manque d’intérêt des nouvelles générations pour celui-ci. Quand un jeune se lance, il choisit bien souvent le maraîchage ou les cultures céréalières. L’élevage est considéré comme trop contraignant et les générations qui se lancent ont d’autres aspirations. Il faut parler temps de travail et organisation du travail en agriculture plus qu’on ne le fait aujourd’hui. Le marché de l’élevage se porte mieux ; la production a tellement diminué par rapport à la consommation qu’aujourd’hui cette dernière est supérieur à la production. Les prix ont donc automatiquement grimpé et globalement la situation économique de l’élevage en France est en hausse par rapport aux années précédentes. Il faut mener une vraie réflexion autour de l’attractivité des métiers de l’agriculture. La science doit servir à nous aider sur ce terrain-là. Il est important de développer les associations entre agriculteurs, mais aussi les outils de portage de foncier et de capital pour leur permettre de s’associer sans avoir à s’endetter sur de trop longues périodes. De même, aujourd’hui il est compliqué de trouver des salariés agricoles dans le monde de l’élevage. La robotique pourra peut-être permettre d’améliorer les conditions de travail ? La question de la main d’œuvre est cruciale