Entretien avec François Arnoux, agriculteur en Vendée et omniprésent sur les réseaux sociaux


Né de la combinaison entre l’agronomie et l’écologie, le terme « agroécologie » s’est peu à peu fait une place dans le débat public, surtout depuis Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture en 2012. Mais quel sens a ce mot dans les filières agricoles ? Car c’est là l’essentiel au-delà des questions de sémantique et des effets de mode. Nous sommes donc allés interroger différentes filières du monde agricole sur ce sujet pour mieux connaitre son application dans les exploitations.


« En tant qu’agriculteur je considère que j’ai toujours fait de l’agroécologie puisque je suis agronome et que l’environnement est mon outil de travail »



Oui à l’innovation. Le mot agroécologie s’est imposé sur le plan politique, mais pour vous, qu’est-ce que cela signifie concrètement sur le terrain ? Pensez-vous la pratiquer dans votre exploitation ?

François Arnoux. Le mot agroécologie est difficile à définir. C’est un mot nouveau qui s’est imposé dans le débat public mais qui ne change pas beaucoup de nos pratiques. En tant qu’agriculteur je considère que j’ai toujours fait de l’agroécologie puisque je suis agronome et que l’environnement est mon outil de travail. J’ai donc tout intérêt à le préserver puisque c’est lui qui va assurer ma production et mes rendements. Aujourd’hui nous subissons la pression de l’opinion publique sur ces questions et nous sommes appelés à être encore plus vigilants. Pourtant, notre métier nous l’impose déjà. En effet nous sommes contraints de nous adapter en permanence à l’évolution du climat et de la biodiversité. S’il y a évidemment un consensus sur la nécessité de préserver l’environnement, il ne faut pas nier que la mise en œuvre des évolutions prend du temps. Or il y a un décalage entre les contraintes qui nous sont imposées et les solutions que nous avons. Le risque serait de vouloir agir trop vite au détriment de l’agriculture française.

Est-il possible d’utiliser les pesticides tout en ayant des pratiques vertueuses ?

FA. Les produits phytosanitaires les plus dangereux ont déjà été interdits depuis un certain temps. Aujourd’hui ceux que nous utilisons font l’objet d’études conséquentes pour limiter les conséquences sur l’environnement. Le risque est donc maîtrisé. Certes, ces produits ne sont pas anodins, mais lorsqu’ils sont correctement utilisés, ils n’ont pas ou peu d’effets sur l’environnement. Nous avons considérablement réduit les doses – on parle de quelques grammes sur une surface équivalent à un terrain de foot – et leur utilisation est très encadrée : il faut respecter un certain taux d’humidité de l’air, les appliquer lorsqu’il y a peu de vent, à des périodes bien précises, en dehors des floraisons… Ces réductions de dose imposées génèrent aussi des problèmes puisqu’on observe une baisse de rendement et d’efficacité. Aujourd’hui, aucune solution alternative n’a encore été trouvée.

On vous a vu interpeller des hommes politiques au Salon de l’Agriculture, vous avez même eu l’occasion de parler au Président de la République. En quoi ce dialogue est-il si important pour vous ?

FA. Même si cela se produit sur un temps très court, c’est une occasion d’évoquer directement les problèmes que nous vivons au quotidien et dont les élus ne se rendent pas forcément compte. Mon intention est avant tout de porter la voix des agriculteurs pour que les décideurs politiques ne soient pas déconnectés de la réalité du terrain. En l’occurrence, cette année, nous avons interpellés le président mais aussi le ministre de l’Agriculture sur l’interdiction des produits phytosanitaires sans alternatives. Notre but est de leur dire stop : stop aux interdictions sans solutions. Aujourd’hui il n’est plus possible d’ajouter des contraintes dans la réglementation si elles nous conduisent dans une impasse. Avec la crise Covid puis la guerre en Ukraine, nous avons constaté non seulement la fragilité de l’équilibre de la production mondiale, mais aussi notre dépendance aux importations extérieures. Nous avons donc tout intérêt à préserver notre souveraineté alimentaire, et cela implique de ne pas se tirer une balle dans le pied.

*François Arnoux est ambassadeur des associations Agridemain et Passion Céréales et exploitant agricole en Vendée où il produit principalement du blé tendre, du blé dur, du tournesol, du colza et du maïs.