Le 20 juin, le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a déclaré son intention de graver la « protection de l’environnement » dans le marbre de l’article 1 de la Constitution, donnant à un principe extrêmement large une portée maximale. En esquissant les contours de la réforme institutionnelle voulue par le Gouvernement en avril dernier, le Premier ministre avait déjà annoncé inscrire l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34 qui définit le domaine de la loi, tout en laissant entendre un renforcement de la place du Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans le processus législatif.

Le risque ? Faire de la défense de l’environnement un principe de précaution bis.

L’intention est louable, elle était la même en 2005 au moment de l’inscription du principe de précaution dans la Constitution. Mais en fonction du champ d’application et de l’article dans lequel ce nouveau principe sera inséré, les conséquences négatives seront vastes pour l’économie et la recherche scientifique dans notre pays. Initialement, le principe de précaution visait à protéger les populations. Il devait rimer avec prudence et évaluation. Résultat : ce principe désormais bien ancré dans nos mentalités est devenu synonyme d’inaction. Il fait l’objet d’une interprétation radicale qui freine toute innovation scientifique et technologique. Les exemples ne manquent pas. Que ce soit dans l’énergie, la high tech, l’agroalimentaire, la santé, chaque innovation, aussi incrémentale soit-elle, est souvent décriée au nom du principe de précaution. À côté de combien de réalisations scientifiques importantes sommes-nous passés à cause de ce principe ?

Tout impératif de lutte contre le réchauffement climatique ou de « protection de l’environnement » à l’article 1 de la Constitution risquerait de connaître le même sort, entrainant une complexité et un formalisme accrus dans le pays déjà le plus normé au monde dans ce domaine.

Rares seraient les lois votées sans une contestation systématique devant le Conseil constitutionnel. Avec une telle disposition, les permis d’explorer déjà délivrés auraient été invalidés par la récente loi qui met fin à la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures en métropole. D’autres textes comme l’accord commercial entre l’Europe et le Canada (CETA) ou la réforme de la PAC auraient été tout autant pu être tenus en échec, en raison de leurs impacts potentiellement « climaticides ».

Les choix politiques ne visent pas à trancher entre deux solutions, l’une blanche, l’autre noire. Bien souvent ils visent à déterminer laquelle des deux solutions est la meilleure, ou la moins néfaste. En érigeant la « protection de l’environnement » ou la « lutte contre le réchauffement climatique » comme un principe constitutionnel, comment ne pas renoncer à tout projet de construction nouvelle indispensable pour revitaliser des bassins d’emplois délaissés ? Comment poursuivre la construction de lignes de trains dans les territoires ruraux déjà coupés du reste de la France ?

Annoncée devant le Congrès en juillet 2017, l’autre intention du gouvernement de transformer le CESE en « Chambre de la Société Civile », suscite la même crainte de la part des experts de Oui à l’innovation !. Si la réforme était ainsi votée, tous les projets de loi économiques, sociaux et environnementaux feraient l’objet d’un avis préalable à la transmission du texte par le Conseil des ministres au Parlement pour dénoncer toute atteinte effective ou supposée à travers le seul prisme d’une « protection de l’environnement » ou « lutte contre le réchauffement climatique » aux contours flous. Lors d’un entretien à La Gazette des Communes en novembre dernier, le vice-président de la Fondation Nicolas Hulot, M. Dominique Bourg a évoqué sa volonté de « saisir la balle au bond » en en faisant une « Assemblée citoyenne du futur », « chaînon manquant entre le savoir scientifique et l’action politique » qui risquerait bien au contraire de disqualifier l’expertise scientifique au profit d’opinions « citoyennes ».

Si la lutte contre le réchauffement climatique ou la protection de l’environnement subissent, comme le principe de précaution, une interprétation radicale, l’économie et la croissance française en pâtiront. Il en ira de même pour la recherche sereine de solutions de substitution.