Entretien avec Eric Frétillère, agriculteur en Dordogne et Président de l’association Irrigants de France.


Alors que 250 exposants sont réunis à Outarville pour le salon Innov-agri (du 5 au 7 setembre 2023), Oui à l’innovation tend son micro à Eric Frétillère, agriculteur en Dordogne et Président de l’association Irrigants de France. N’étant pas originaire du monde agricole, il a entamé une reconversion à l’âge de 35 ans et repris une exploitation qui produit du maïs en monoculture.


« Dire que les agriculteurs ne préservent pas l’environnement est une aberration puisque c’est notre outil de travail »



Oui à l’innovation. Alors que la question environnementale occupe une place centrale dans le débat public, le terme « agroécologie » s’est peu à peu imposé dans le langage courant. Pour vous que signifie ce mot ?

Eric Frétillère. Pour moi, l’agroécologie est une interface entre l’écologie et l’agronomie. C’est déjà ce que je pratique sur mon exploitation : je préserve l’écologie de mon sol parce que c’est lui qui me permet de produire. Par exemple, je n’ai jamais labouré mon champ, j’ai toujours opté pour des « travaux simplifiés ». Au lieu de retourner la terre, comme on le fait lorsqu’on laboure, je travaille la terre de manière verticale, ce qui me permet de préserver la vie et l’écosystème du sol. Ce travail est important puisqu’il donne aussi de conserver l’eau au maximum dans la terre. Dire que les agriculteurs ne préservent pas l’environnement est une aberration puisque c’est notre outil de travail. Si on reprend certains critères tels qu’améliorer les fonctions écosystémiques des sols, réduire les impacts environnementaux, améliorer les performances économiques en limitant les apports et les intrants, alors on peut dire que je fais de l’agroécologie.

Le maïs est une culture très critiquée, on dit qu’elle consomme beaucoup d’eau. Que répondez-vous à cela ? Le maïs a-t-il un impact environnemental plus important que d’autres cultures comme le blé ou le soja ?

EF. La production du maïs est celle qui valorise le mieux l’eau. Elle consomme globalement moins d’eau que les autres cultures mais en a besoin durant la période estivale, au moment où les carences en eau sont les plus importantes. D’autre part, la culture du maïs ne requiert qu’un recours limité aux fongicides et insecticides. Les seules protections phytosanitaires utilisées sont des herbicides. Ensuite, le maïs stocke en moyenne 7 millions de tonnes de CO2 par hectare et par an, ce qui permet à cette culture d’avoir un impact positif contre le réchauffement climatique. Il sert également à produire du bioéthanol (qui remplace l’essence fossile) et du biométhane, et ses drêches permettent d’enrichir en protéine la production animale. On le retrouve dans l’industrie, les produits cosmétiques, l’alimentation animale, l’alimentation humaine, les carburants de voiture, et il stocke du carbone et libère de l’oxygène comme une forêt. Alors pourquoi tant de haine ? Le maïs est une plante qui a de multiples externalités positives. Elles méritent d’être mises en avant.

Vous utilisez des retenues collinaires pour stocker l’eau qui sert à l’irrigation de vos champs. Face à la polémique des « méga bassines », pensez-vous que ces retenues soit toujours la solution ?

EF. On parle de « méga bassines » mais ce terme sert à dénigrer les retenues collinaires. Il est utilisé par ses détracteurs puis repris ensuite par les médias ce qui lui donne mauvaise presse. Or en réalité, ces retenues sont comme de grands lacs. En Norvège, on les appelle même des mares. Si on se compare aux autres pays Européens, on constate que la France est le 2e pays le plus abondant en eau. Aujourd’hui, on mobilise seulement 4,7% de cette ressource alors que l’Espagne en mobilise 48%, et le Maroc 200%. On s’indigne ensuite de nos retenues d’eau alors qu’on importe des fraises et des tomates d’Espagne et des melons du Maroc, bien que ces pays soient bien moins économes en eau. Cherchez l’erreur. Si nous voulons retrouver notre souveraineté alimentaire et consommer localement, il nous faut produire en France. Or pour produire, il nous faut de l’eau. Avec le changement climatique, nous allons avoir des excès d’eau en hiver, et des sécheresses en été. Le stockage de l’eau est donc une des solutions pour répondre à cette problématique, mais elle n’est pas la seule. La question de l’eau est une problématique locale. Il faut donc adapter nos solutions à chaque territoire pour répondre non seulement aux attentes de la société et à la question de la souveraineté alimentaire, mais surtout à l’enjeu du réchauffement climatique.