Episode 6 – Portrait d’un agriculteur qui cultive ses réseaux.
Depuis son exploitation du nord de la France, Bruno Cardot revient sur les raisons qui l’on fait s’engager pour une agriculture militante et communicante. Sur l’agroécologie, il est intarissable, lui qui sait expliquer et vulgariser ses pratiques mieux que personne ! À faire passer sans modération.
Bruno Cardot, agriculteur établi dans les Hauts de France, s’est installé en 2000 sur l’exploitation de son père. Il a été éleveur et céréalier avant de dire adieu à ses bovins en 2022, se consacrant, entre autres, à la culture du blé, de l’orge, des pommes de terre féculières et de la vigne. Son entrée sur les réseaux sociaux en 2018 coïncide avec l’essor de l’agriculture numérique mais aussi l’apparition de l’agri bashing. Agriculteur 100% engagé, 100% connecté, il s’active au niveau régional comme national. Aujourd’hui, il est vice-président de France Agri Twittos, responsable de la communication de la CGB (la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves), et très impliqué dans Intercéréales.
« Prendre des décisions éclairées. »
Oui à l’innovation. Quelle est votre définition de l’agroécologie ?
Bruno Cardot.
Oui à l’innovation. Comment vulgarisez-vous cette agroécologie ?
BC. Les aînés ont beaucoup produit, ils ont nourri la France après la guerre, mais il faut reconnaître qu’ils n’ont jamais pensé à expliquer leurs actions et leurs façons de faire. Dans les années 80-85, il y a eu un pic dans l’utilisation de produits chimiques en agriculture. Cependant, dans les années 90, on a observé une diminution de cette utilisation des intrants sans explication claire. Cette baisse soudaine a suscité l’intérêt des détracteurs et a alimenté des discussions sur le sujet. Les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur en permettant, début 2010, aux agriculteurs de partager leurs expériences et leurs réflexions. Cependant l’attention médiatique et la polarisation des débats ont parfois conduit à un endoctrinement sur des questions liées à l’agriculture et à l’utilisation de produits chimiques. Pour rendre l’agroécologie plus compréhensible et accessible, on a opté pour la vulgarisation, notamment via les réseaux sociaux, c’est-à-dire la simplification des concepts et la diffusion d’informations de manière accessible à un large public, en commençant par des élèves de CE2 jusqu’au grand public. La vulgarisation, c’est un temps long mais efficace. Les résultats se voient quand on croise les gens. Aujourd’hui dans la sphère agri, nous sommes un petit nombre à prendre sur notre temps personnel pour expliquer et faire passer les messages. Je suis convaincu qu’il est essentiel de communiquer. Et qui mieux que nous pour le faire ?
Oui à l’innovation. S’il y avait une mesure phare du gouvernement pour dynamiser l’agriculture qu’elle serait-elle ?
BC. Selon moi dynamiser est égale à transmettre. Mais pour transmettre, il faut du revenu, si possible garanti et donc de la visibilité qu’il est difficile aujourd’hui d’obtenir à six mois. Le changement climatique comme la géopolitique sont les deux paramètres qui accentuent et amplifient la complexité de la production. Sur le fond, nous ne pouvons rien faire sans revenu et sans garantie sur ce revenu. Il nous faut plus de visibilité sur les marchés, des règles communes avec les autres pays (et pas seulement européens). Si on parle pesticide ou molécule de synthèse, je n’ai plus que 290 produits à ma disposition, quand l’agriculteur allemand en a 320 et le brésilien plus de 600. Alors qu’en face nous avons les mêmes clients ! Ces distorsions sont ingérables. Nous avons besoin d’un vrai protectionnisme intelligent et c’est au niveau européen que cela se joue. C’est là-bas qu’il faut aller retourner la table ! L’agriculture française a tout pour être une des meilleure du monde ; des sols magnifiques, un climat exceptionnel, des agri compétents… Mais protégeons nos marchés !