Une tribune publiée le 5 juin dernier dans le journal Le Monde sous le titre « Il faut stopper au plus vite l’usage des pesticides » nous amène à nous pencher à nouveau sur la question du principe de précaution. Les 29 chercheurs signataires de ce texte demandent « l’application immédiate du principe de précaution » pour une classe de fongicides de la famille dite des SDHI. Il est intéressant de noter que pour les auteurs de cette tribune, l’application du principe de précaution équivaut à un retrait des AMM (Autorisations de Mise sur le Marché). Or, il s’avère qu’à l’étude de ce dossier, la France a bel et bien appliqué le principe de précaution mais en laissant ces produits phytosanitaires sur le marché.

Le début de cette affaire remonte au 15 avril 2018, date à laquelle des chercheurs de l’INSERM, du CNRS et de l’INRA ont lancé une alerte sur ces fongicides SDHI. Dans une tribune libre publiée à l’époque dans le journal Libération, ils dénonçaient leurs supposés effets néfastes sur la biodiversité et sur la santé humaine.

Les autorités publiques françaises par l’intermédiaire de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du travail) se sont saisies du dossier. Une commission d’experts a été spécialement constituée. Pendant plusieurs mois, l’ensemble des données sur le sujet ont été étudiées. Des auditions ont eu lieu et les chercheurs à l’origine de l’alerte ont eu l’occasion de partager leurs travaux et analyses.

Enfin, le 15 janvier 2019, l’ANSES a publié un rapport documenté qui lève clairement les inquiétudes des chercheurs. L’autorité sanitaire y affirme que les informations rapportés par ces chercheurs « n’apportent pas d’éléments en faveur d’une alerte sanitaire pour la santé humaine et l’environnement en lien avec l’usage agricole de ces fongicides, qui pourrait justifier la modification ou le retrait des autorisations de mise sur le marché ». En clair, il n’y a pas lieu d’interdire ce type de fongicides.

Oui à l’innovation ! a l’habitude de dénoncer l’application abusive du principe de précaution car souvent confondu avec un principe d’interdiction. Ce dossier des SDHI montre ce type de dérive. Il est d’ailleurs significatif que les auteurs de la tribune du Monde concluent leur texte en appelant à la rescousse « les opinions publiques » qui « seraient sans doute aujourd’hui favorables à l’application immédiate du principe de précaution ». On aurait préféré que ces chercheurs en appellent à la science et aux conclusions de l’ANSES plutôt qu’à l’opinion publique forcément fluctuante et non compétente sur ce sujet.