Une tribune publiée dans Le Cercle des Echos

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Laissons la recherche avancer !

LE CERCLE/POINT DE VUE – Les anti perturbateurs endocriniens veulent interdire ces molécules au nom du principe de précaution. Laissons les chercheurs trancher le débat. L’innovation a besoin d’un cadre stable et durable.

La science est une source de progrès pour la France. Deux propositions de résolution identiques ont été déposées à l’Assemblée nationale pour rappeler cette vérité qui passerait pour une la palissade si le pays n’était pas confronté à une vague massive de contestation des expertises scientifiques.

Jean Yves le Déaut (Parti socialiste) président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et son collègue Bernard Accoyer (Les Républicains) dénoncent à bon droit « la confusion entretenue entre savoir et opinion dans l’espace public et numérique ». Il en résulte des conséquences lourdes pour tous les secteurs de la recherche et notamment dans toutes les disciplines qui concernent la santé et l’environnement.

Débat verrouillé

Ainsi, depuis quelques prises de parole, Benoit Hamon se présente en candidat « anti perturbateur endocrinien ». Le contexte n’est pas tout à fait neutre. Les écologistes, une partie de la gauche radicale, relayés par des ONG agissantes contestent la définition que l’Europe propose pour ces molécules. Le débat continue de mobiliser la communauté scientifique. Il n’est pas tranché !

Ces ONG accusent certains experts de duplicité avec les industriels, mais rien ne dit qu’ils ne soient eux mêmes animés par des mobiles idéologiques, contre la croissance et contre les grandes entreprises. Ces échanges entretiennent des peurs parfois irraisonnées. Qui sait par exemple qu’on trouve des perturbateurs endocriniens dans les petits pois, les choux de Bruxelles et le soja, particulièrement déconseillé pour les femmes enceintes ?

Dossier refermé

Le débat devrait être ouvert. Il est verrouillé. A raison du principe de précaution on voudrait refermer le dossier, trancher pour l’éternité par l’interdiction de la recherche ou au mieux, la condamnation d’une partie des chercheurs. Les expertises scientifiques ne sont pas des opinions. Les scientifiques s’imposent des paradigmes épistémologiques, c’est-à-dire des techniques de validation de la connaissance.

Dans les sciences dites de la nature, les sciences dures, elles sont particulièrement rigoureuses. Nul ne peut prétendre que la recherche est conduite en France les yeux fermés ou à défaut mi-clos. Les autres grands pays européens ont inscrit la démarche de la précaution dans la gestion du risque. Ils pratiquent des politiques d’évaluation du risque (« risk assessment ») et de gestion du risque (« risk management »).

Premier pas

Nous savons tous qu’il existe une infinité de nuances entre l’innocuité d’un produit et ses dangers. Le savoir scientifique est en effet relatif et comme le savent tous les scientifiques, la réalité ne se donne que par aperçus. Est-ce une raison pour diffuser des peurs sans fondement ? Les contestataires de la science ont trouvé avec Internet un terrain d’expression fertile. Ils profitent abondamment de la neutralité du Net pour exprimer des points de vue parfois contestables et souvent contestés, sans contrôle et sans démentis.

Il revient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités. Les résolutions déposées par deux parlementaires tendent à le rappeler. Un premier pas serait de renforcer le rôle de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) en lui donnant un statut permanent. L’innovation a besoin d’un cadre stable et durable. L’enjeu est plus que jamais de trouver un équilibre entre les indispensables protections de santé publique qui incombent aux pouvoirs publics et la compétitivité de nos grands secteurs industriels.

Pascal Perri, économiste, est porte parole de « Oui à l’innovation »