Le monde se transforme, les grandes écoles le doivent aussi

Par Philippe Houzé, président de ESCP Business School et président du directoire du groupe Galeries Lafayette, Laurent Choain, Chief Leadership, Education & Culture de Mazars, et Frank Bournois, directeur général de ESCP Business School et président de la commission formation de la Conférence des grandes écoles.

Pour résoudre la crise des talents, formons-les, dès aujourd’hui, aux défis de l’entreprise de demain.

Nous, chef d’entreprise, directeur des ressources humaines, directeur de grande école, constatons que l’adaptation continue des entreprises aux grandes transformations du monde – le défi climatique, les ruptures technologiques… – conduit à une obsolescence rapide des connaissances et des compétences .

Nous en observons les conséquences au quotidien et pointons cette latence croissante entre le temps de formation d’un manager (des années) et la transformation des entreprises, qui s’opère en mois ou même en jours.

Dans l’entreprise, il nous est souvent difficile de recruter des talents pour de nouveaux projets complexes et stratégiques pour lesquels ils ne sont pas formés. Les cryptomonnaies, le métavers , le développement durable, le télétravail sont autant de sujets qui ont pu bousculer, en seulement quelques jours, des secteurs confortablement installés dans leur routine !

Recherche et expérience pratique

Face à ce constat, quel rôle les business schools ont-elles à jouer ? Des grands penseurs du management – Alfred Sloan, Henri Fayol ou encore Peter Drucker – avaient montré que l’intimité entre la théorie et la pratique est bénéfique autant aux entreprises qu’aux managers. Aussi, le métier d’enseignant-chercheur doit-il enrichir des allers-retours entre recherche et expérience pratique.

Les retours d’expérience venant des élèves nous apprennent qu’ils attendent une double posture de leurs écoles, celle du décideur efficace et celle du chercheur capable de remettre en cause les pratiques reçues. Quant aux dirigeants, ils souhaitent des liens forts avec l’enseignement supérieur qui permettront de former et de familiariser des talents à la réalité d’un monde changeant, et d’anticiper ses prochains changements.

Cinq actions

Cinq actions s’imposent pour que nos écoles s’adaptent aux défis des entreprises. D’abord, comme en Allemagne, les entreprises vont devoir davantage recruter des personnalités académiques dans leurs instances de décision, de gestion et de gouvernance. Ensuite, les écoles doivent recruter des professeurs ayant l’expérience de la recherche appliquée au monde du travail, avec un passage significatif dans l’entreprise à des postes à responsabilité.

Troisièmement, il va aussi falloir favoriser la conduite d’exercices de prospective en commun, entre entreprises et écoles, via des études de cas, des journées d’échanges ou des stages. Et, quatrième point, inciter les cadres à intervenir dans les écoles, et ces dernières à les accueillir facilement. Enfin, cinquième action, les professeurs doivent produire plus de contenus, notamment numériques, rapidement assimilables par les élèves et les managers de tous secteurs d’activité.

Simples et peu coûteuses, ces mesures – qui ne dépendent pas des pouvoirs publics – peuvent se mettre en place sur le terrain à l’initiative des entreprises, des écoles de management (les six campus d’ESCP, dès la rentrée 2022) et des enseignants eux-mêmes. Car seuls des partenariats privilégiés et robustes entre les grandes écoles et les entreprises permettront aux talents de demain d’être créateurs de valeur.

Philippe Houzé, Laurent Choain et Frank Bournois
Pour Les Echos